Rom Houben : la parodie de la « Communication facilitée » enfin démasquée

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par Brigitte Axelrad – SPS n° 290, avril 2010 publié par l’AFIS

Le 21 décembre 2009, nous avions publié deux articles : Rom Houben : la « Communication facilitée » de nouveau à l’œuvre – Une atteinte à la dignité des personnes handicapées et« L’effet Clever Hans et la “Communication facilitée” », pour exprimer notre désapprobation lorsque la presse internationale avait relaté l’histoire de Rom Houben.

En effet, ce patient handicapé de 46 ans, qu’on croyait plongé dans un coma végétatif complet depuis 23 ans à la suite d’un accident de voiture, venait d’être déclaré, grâce aux travaux du Dr Steven Laureys, atteint d’un syndrome d’enfermement, c’est à dire conscient, mais « enfermé » dans un corps complètement paralysé. La raison de notre désapprobation, exprimée également par des Sceptiques tels que James RandiSteven NovellaMichaël ShermerRobert Todd Carroll (Dictionnaire Sceptique), résidait dans l’exploitation de ce cas par les tenants de la « Communication facilitée », qui prêtaient à cet homme tout un discours sur son expérience de 23 années d’enfermement, au cours desquelles personne ne s’était rendu compte qu’il était suffisamment conscient pour méditer et saisir le sens des paroles et des comportements des gens, qui l’entouraient. « Ses » paroles, « […] Il m’arrivait parfois de n’être que ma conscience et rien d’autre […] », furent encore citées dernièrement dans le numéro de Philosophie Magazine de février 2010 et cautionnées par « Le point de vue » de Joëlle Proust, directrice de recherche au CNRS. Celle-ci ne semble pas se poser la question de l’authenticité des propos prêtés à Rom Houben, ni celle de la méthode utilisée pour les recueillir, et, en répondant aux questions posées à partir des « aveux » de Rom Houben, parvient à ne jamais prononcer une seule fois les mots de « Communication facilitée »… Les écrits de Rom Houben obtenus par la « Communication facilitée » n’avaient pas été remis en question par le Dr Steven Laureys1, qui disait même, pour répondre aux objections, avoir testé la facilitante, Linda Wouters, et avoir acquis la certitude que c’était bien les pensées de Rom Houben qui étaient communiquées par le biais de l’ordinateur, et non celle de Linda.

Les états de conscience à la sortie du coma

– État de mort cérébrale : le patient en état de mort cérébrale a un métabolisme cérébral nul.

– État de coma végétatif : le métabolisme cérébral est réduit de 40 % à 50 %. Le patient garde spontanément les yeux ouverts et présente quelques réactions réflexes, telles que le fait de sursauter quand on tape dans les mains. Mais il est absent : ce n’est pas sa conscience qui réagit, mais des voies nerveuses automatiques qui passent des aires primaires de son cerveau à la moelle épinière.

– État de conscience minimale : il ressemble à l’état végétatif, mais le patient esquisse parfois des mouvements qui semblent volontaires.
L’état de conscience minimale correspond à une catégorie de patients atteints de lésions cérébrales sévères et qui présentent des manifestations comportementales intermittentes témoignant d’une conscience d’eux mêmes et de leur environnement. Chez les patients en état de conscience minimale, la dépression métabolique est moindre (20 % à 40 %) et des aires cérébrales intervenant dans l’intégration des données sensorielles nécessaires sont plus actives, suggérant un niveau de perception plus important. Ils peuvent communiquer de manière rudimentaire mais adéquate. Ils peuvent exprimer des comportements émotionnels adaptés à la différence des patients en coma végétatif, qui pleurent et rient de manière aléatoire.
Cet état pathologique est d’individualisation récente, l’état de conscience minimale n’a été introduit dans les textes médicaux qu’en 2002. On recourt de plus en plus à l’imagerie cérébrale pour estimer les moyens neuronaux dont ils disposent pour percevoir consciemment le monde qui les entoure.

– Locked-in syndrome ou syndrome d’enfermement : c’est un état où le patient vigilant ne peut avoir de comportement moteur en raison de la destruction des voies motrices par une lésion protubérantielle.

À la lecture des rapports de Steven Laureys, Rom Houben est probablement dans un état de conscience minimale et il est peut-être atteint du Locked-in syndrome.

D’après Cerveau&Psycho, n° 17, septembre–octobre 2006]

Le 15 février 2010, dans le Skepticblog, Steven Novella, rapporte que, selon Spiegel Online, Steven Laureys a accepté de procéder aux tests que lui avaient suggérés les Sceptiques. Les tests ont déterminé que Rom Houben n’a pas assez de force, ni de contrôle de ses muscles dans le bras droit, pour actionner le clavier ni pour transmettre les impulsions nécessaires à la « Communication facilitée ». Dans l’épreuve la plus récente, on a montré à Houben, ou encore on lui a décrit, une série de 15 objets et mots, en l’absence de l’orthophoniste. Ensuite, on lui a demandé de taper en sa présence et avec son aide le mot correct correspondant, mais il n’y est pas parvenu une seule fois. L’échec a été total.

Qu’en déduire ? Que si l’orthophoniste ne connaît pas les objets, ni les mots qui ont été présentés à Rom Houben en son absence, elle ne peut pas l’« aider » à les écrire. Nous retrouvons là l’effet « Clever Hans », encore appelé « effet idéo-moteur », par lequel un animateur obtient la réaction réflexe d’un animal ou d’une autre personne, en guidant son comportement moteur.

C’est un bon point pour Laureys d’avoir accepté ce risque de démasquer la nature pseudoscientifique de la « Communication facilitée » par des examens appropriés, et d’avoir accepté d’en communiquer les résultats au monde entier. Cependant, Novella déplore que la conversion de Laureys à une approche sceptique de la « Communication facilitée » ne soit pas totale. En effet, exprimant son doute à propos d’un autre de ses patients, dont il ne nous dit pas grand chose, Laureys ajoute : « Cela signifie qu’il est vraiment nécessaire de vérifier tous les cas individuels ». Certains avancent qu’il aurait conclu ne pas pouvoir décrédibiliser vingt ans de recherche en « Communication facilitée », qui ont contribué à montrer sa légitimité. Toutefois Novella indique qu’il est possible que cette dernière déclaration attribuée à Laureys soit inexacte. Le doute est donc permis…

Deux tests : résultats concluants

Le 18 février 2010, le Dr Willem Betz, Professeur de Médecine à l’Université libre de Bruxelles et cofondateur de l’organisation des Sceptiques belges SKEPP, déclare qu’à la demande de l’établissement médical où M. Houben est soigné, son équipe et lui-même ont assisté en tant que conseillers au test de cette méthode controversée de communication conduit par l’équipe de Steven Laureys et ont effectué leurs propres tests, le 4 février 2010.

Les réponses aux questions simples furent intelligibles et parfois élaborées, mais quand la facilitante ne connaissait pas les questions, les réponses de Rom Houben étaient toutes complètement erronées. La plupart du temps, il tapait avec les yeux fermés mais dès qu’on cacha le clavier de la vue de la facilitante, la frappe produisit du charabia et s’arrêta.
Le Dr Betz précise que son intention n’était pas de tester M. Houben, mais de tester la « Communication facilitée ». Il dit avoir eu une longue conversation avec le Dr Laureys et lui avoir conseillé de prendre de la distance avec cette « FC scam » (arnaque de la CF).

Pour permettre à l’équipe médicale de discuter des résultats avec la famille, SKEPP a accepté de mettre un embargo de deux semaines avant de rendre ces résultats publics.

Résumé de l’article « Facilitated communication with coma patient is fabricated »
du 19/02/2010, publié sur le site de SKEPP.

Les progrès de la recherche menée par Steven Laureys dans son domaine propre laissent espérer que grâce à la technologie, on pourra un jour communiquer vraiment avec des patients atteints du Locked-in syndrome ou syndrome d’enfermement. Mais c’est un scandale que des pseudosciences, telles que la « Communication facilitée », puissent persister, comme persistent d’autres pseudosciences médicales. Leur persistance n’est pas un échec de la science, mais bien plutôt de la rationalité collective.

La tragédie de cette histoire, c’est l’exploitation qui a été faite de la détresse de Rom Houben. S’il était en mesure d’entendre et de comprendre les paroles que les tenants de la « Communication facilitée » lui ont prêtées, il n’a pas eu les moyens de les réfuter.

Question qu’on peut se poser : les télévisions du monde entier vont-elles nous montrer la vidéo de l’échec au test de « Communication facilitée » de Rom Houben et Linda Wouters ?

Ce serait tout à leur honneur !

Mis à jour le 03-03-2010 (ajout de l’encadré « Deux tests : résultats concluants »)

1 Directeur du Coma Science Group au Centre de Recherches du Cyclotron à l’Université de Liège, professeur de clinique au service de neurologie du Centre Hospitalier Universitaire de Liège.

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