L’inconscient, une découverte de Freud ?

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« S’il fallait faire tenir en un mot la découverte freudienne, ce serait incontestablement en celui d’inconscient. »

Laplanche et Pontalis, 1973, Vocabulaire de la psychanalyse, Paris, PUF, p. 197

« […] l’hypothèse de l’inconscient est nécessaire et légitime, et (que) nous possédons de multiples preuves de l’existence de l’inconscient. »

Freud, 1915, Métapsychologie, trad. fr. 1968, Paris, Idées, p. 66

L’Inconscient freudien

L’Inconscient est le mot-clé du freudisme. Cependant, Freud n’a pas découvert le concept d’Inconscient. Il l’a emprunté à d’autres, philosophes et psychologues du XIXe siècle, tels Leibnitz et les « perceptions confuses », Ed. Von Hartmann et sa « Philosophie de l’inconscient », ou encore Schopenhauer et Nietzsche, pour ne citer qu’eux. Littéralement, le qualificatif d’« inconscient » (avec une minuscule) décrit les phénomènes qui échappent au conscient. Avec Freud, l’« Inconscient » (avec une majuscule) désigne une partie perturbée, névrosée du psychisme, qui renferme des pensées « refoulées », parce que jugées inacceptables par la conscience. Ces pensées refoulées inconscientes sont remodelées dans l’Inconscient et ressurgissent de façon déguisée sous la forme de manifestations quotidiennes, telles les lapsus linguae, les actes manqués, les rêves, les oublis de noms et de projets, les angoisses et les symptômes névrotiques, qui s’expriment à travers le corps, ce que Freud a désigné sous l’ expression de « psychopathologie de la vie quotidienne ».

Cependant, dans les Études sur l’Hystérie (1895), J. Breuer a mis en garde contre l’idée que l’inconscient serait une chose, alors que ce n’est qu’une métaphore. Freud n’en a pas tenu compte et a fait de l’Inconscient « une chose palpable », une substance, une « antichambre » un lieu (doté donc de res extensa) : « Nous assimilons le système de l’Inconscient à une grande antichambre dans laquelle se débattent les motions psychiques telles des êtres vivants. À cette antichambre est attenante une autre pièce, plus étroite, une sorte de salon dans lequel séjourne aussi la conscience. Mais sur le seuil de la porte séparant ces deux pièces, veille un gardien qui inspecte chacune des motions psychiques, exerce la censure à leur égard et les empêchent d’entrer au salon si elles lui déplaisent. »* Freud ajoute que cette image domestique, loin d’être fantaisiste, est une « très bonne approximation de la réalité ». Il insiste : « Il ne s’agit plus d’une absence de conscience, mais bien d’une réalité en soi : une sorte de réservoir de pulsions et de représentations dissimulées sous la conscience comme une cave sous une maison. »** Ces pulsions et ces représentations se trouvent alors, comme une multitude d’agents à l’intérieur de l’Inconscient, doués de qualités, de propriétés et d’intentions.

Cette conception freudienne de l’Inconscient s’est construite à partir de l’utilisation de l’hypnose pour vaincre les « résistances » du sujet, lever le « refoulement » et ramener à la conscience les pensées pathogènes inconscientes. Freud a affirmé que les symptômes hystériques et névrotiques disparaissaient chaque fois que revenait à la conscience le souvenir d’évènements traumatiques anciens, survenus au moment de l’apparition des troubles. Au moyen de la suggestion, il pressait ses patientes de raconter leurs rêves, les orientant vers le récit d’abus sexuels supposés subis dans l’enfance (théorie de la séduction). Puis il abandonna la théorie de la séduction et adopta alors la méthode des associations libres. C’est ainsi qu’il partit à la recherche des fantasmes œdipiens (théorie du complexe d’Œdipe).

Pour justifier le bien-fondé de la méthode des associations libres, Freud montra que l’Inconscient est soumis au déterminisme psychique, postulat selon lequel des faits apparemment sans liens sont reliés entre eux par des chaînes associatives inconscientes, universelles mais latentes, ce qui explique que, alors même que l’Inconscient de tous les hommes les contient, seulement quelques hommes les manifestent. Il affirma que l’Inconscient ne connaît ni le temps, ce qui explique la pérennité des symptômes névrotiques, ni la contradiction : un analyste qui interprète les manifestations de l’Inconscient, un lapsus, un oubli de nom, peut donc dire une chose puis aussitôt après, une autre, sans se soucier de manquer de logique. Il attribua à l’Inconscient l’indifférence à la réalité et le déclara régulé par le principe du plaisir-déplaisir.

Freud fit de l’Inconscient un « Autre » en nous, un être secret (un homuncule) qui tire les ficelles de notre destin, un étranger, un intrus envahissant, d’où la phrase bien connue « Le moi n’est même pas maître dans sa propre maison », en fin de compte une sorte de Dieu, de Saint-Esprit ou de démon, dont les preuves de l’existence se trouvent, comme celles de l’Inconscient freudien, dans leurs « manifestations ».

L’inconscient cérébral

Actuellement, les neurosciences définissent comme conscient tout ce dont le sujet peut rendre compte et comme non conscient, tout ce dont le sujet ne peut pas rapporter l’existence. Il existe un traitement non conscient de l’information, notamment émotionnel et cognitif, qui s’effectue à l’insu de ce que peut rapporter le sujet ; est l’inconscient cérébral qui n’a rien à voir avec l’Inconscient freudien. Par exemple, l’identification d’un objet donné parmi plusieurs autres est plus rapide si le sujet a préalablement vu l’objet en question, même sans y prêter une attention consciente. Ou encore, pour conduire une voiture, on n’a pas besoin, à chaque instant, de réfléchir aux gestes à accomplir. La mémoire dite « procédurale » est à l’œuvre et nous permet de conduire sans y penser***.

La neuropsychanalyse

Les progrès des neurosciences ont conduit certains psychanalystes à s’associer à des spécialistes des neurosciences pour tenter de réconcilier la psychanalyse avec elles. Ils appellent leur approche la « neuropsychanalyse ». Celle-ci s‘appuie notamment, suite aux travaux d’Edelberg, sur la plasticité du réseau neuronal. En effet, toute expérience laisse des traces ou des modifications dans l’agencement du réseau neuronal. Les psychanalystes utilisent ces traces pour prétendre que le concept psychanalytique d’Inconscient possède une dimension biologique. Ils en déduisent que la psychanalyse est le cadre conceptuel approprié pour guider les neurosciences dans la neurobiologie de l’inconscient. Et ainsi construire une théorie globale du cerveau.

En résumé

Le reproche principal que l’on peut faire à la psychanalyse, c’est de prêter à l’inconscient des qualités : il ne connaît ni le temps, ni la contradiction, il est régulé par le principe du plaisir-déplaisir ; de lui prêter des propriétés : c’est le réservoir de pulsions et des intentions, comme la censure sur les pensées pathogènes, et tout cela sans preuves scientifiques.

Là encore, on retrouve la prétention récurrente de la psychanalyse à vouloir combler les lacunes actuelles de la connaissance scientifique par sa propre théorie.

Brigitte Axelrad

* Freud, The standard edition of the complete psychological works of Sigmund Freud. The Hogarth Press, 24 volumes, XI 305
** ibid, XI 306
*** Voir l’article « L’inconscient au crible des neurosciences » de François Ansermet,Pierre Magistretti, La Recherche).

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