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par Brigitte Axelrad – SPS n° 294, janvier 2011 publié par l’AFIS
« Galilée : […] qui ne connaît la vérité n’est qu’un imbécile. Mais qui, la connaissant, la nomme mensonge, celui-là est un criminel ! »
Bertolt Brecht, 1938, La Vie de Galilée1
« Galileo Was Wrong : The Church Was Right »2, tel est le titre surprenant du congrès3 se baptisant « scientifique », qui a réuni le 6 novembre 2010 à l’Hôtel Garden Inn de South Bend, Indiana, à 150 kms de Chicago, dix conférenciers se présentant comme « experts ». Ils ont tenté de prouver que le Soleil tourne autour de la Terre, selon le système géocentrique, alors que, depuis Copernic, Galilée, Kepler et Newton, la science a montré que la Terre et les autres planètes tournent autour du Soleil, selon le système héliocentrique. Le sous-titre est prometteur : ce sera la « première » conférence catholique annuelle sur le géocentrisme. Le Dr. Robert Sungenis a ouvert le congrès avec une communication qui s’intitule : « Le Géocentrisme : Ils le savent, mais ils le cachent », reprenant le thème récurrent de la théorie du complot. Les autres exposants, le Dr Robert Bennett, le Dr John Salza, etc. annoncent des thèmes tout aussi renversants, « Preuve scientifique : la terre est au centre de l’univers », « Introduction à la mécanique du géocentrisme » ou encore « Les expériences scientifiques montrent que la terre est immobile au centre de l’univers ». Leurs qualifications sont entourées du plus grand flou, Ph.D., professeurs… Robert J. Bennett, par exemple, coorganisateur du congrès, annonce pour sa part un doctorat en Relativité générale. Robert Sungenis est le président de Catholic Apologetics International et l’auteur de plusieurs autres livres et articles sur la théologie, la science, la culture et la politique. Il a été professeur de physique et de mathématiques pendant plusieurs années, dans des institutions variées. Il prêche que les physiciens, tels Albert Einstein, Ernst Mach, Edwin Hubble, Fred Hoyle, « et bien d’autres », auraient prouvé, comme il est dit dans la Bible, que le soleil et toutes les planètes tournent autour de la Terre, fixe dans l’espace, immobile et immuable. Il propage ses croyances dans l’espoir que les gens donneront aux Écritures leur juste place et comprendront que la science n’est pas du tout ce qu’on en dit.
Au bas de l’affiche du congrès, on annonce la vente du livre4 (plus de 1200 pages) de Robert Sungenis et Robert Benett, auquel le congrès doit son nom, accompagné d’un CD-Rom gratuit, la vente de PDF et de la version abrégée du livre (700 pages, dont « 350 pages de science et 350 pages d’histoire de l’Église »), ainsi qu’un choix de CD, T-Shirts, mugs, etc. destinés sans doute à rappeler, dans les moindres instants de la vie courante, l’évidence du géocentrisme.
Certes, en raison de ce que nous voyons tous les matins et tous les soirs, nous continuons à dire que le soleil se lève et qu’il se couche à l’horizon, comme si la Terre était toujours immobile par rapport au soleil. Notre expérience sensible nous fait sentir la terre comme immobile sous nos pieds et nous continuons intuitivement à croire que c’est pour ça que nous tenons debout sans tomber. Il est vrai aussi que le cadre de référence de l’héliocentrisme n’est pas toujours le meilleur cadre pour tout. Les astronomes qui étudient d’autres galaxies utilisent un système de coordonnées galactiques, qui s’appuie sur la Voie lactée, et le soleil n’est qu’une autre étoile à l’intérieur de ce système.
Chaque découverte de la science apporte une nouvelle preuve que le géocentrisme n’est pas une représentation qui correspond à la réalité. Les adeptes du géocentrisme ne peuvent, eux, se référer qu’à la Bible. À chaque argument scientifique, ils répondent : « Il est dit dans la Bible que… ». S’en prendre à Galilée ternit l’image de l’un des fondateurs de la science moderne, qui apporta une des premières preuves de l’héliocentrisme de Copernic, mais aussi leur permet de laver ce que certains considèrent comme une offense subie lors de la repentance de l’Église en 19925 au sujet de la condamnation de Galilée.
Mais quelle preuve avait-on de l’héliocentrisme, avant la Relativité ? Dans le géocentrisme du début du XVIIe, tout tourne autour de la Terre. La Lune, puis dans l’ordre, Mercure, Vénus, le Soleil, Mars, Jupiter et Saturne (Uranus et Neptune n’ont pas encore été découverts). À partir de 1609, Galilée, pointant la lunette astronomique vers les cieux, va lui trouver des « défauts ». En janvier 1610, il découvre quatre petits astres tournant autour de Jupiter, qu’on appellera par la suite les satellites galiléens. Cela remet partiellement en cause le géocentrisme. Quelques mois plus tard, il découvre que Vénus, comme la Lune, a des phases. Cela ne contredit pas le géocentrisme, mais on ne peut expliquer pourquoi Vénus est de plus en plus petite au fur et à mesure qu’elle devient pleine, alors que l’héliocentrisme de Copernic explique sans peine le phénomène : si Vénus rapetisse au fur et à mesure qu’elle s’illumine, c’est parce que, vue depuis la Terre, elle passe de l’autre côté du Soleil. Ce qu’elle ne peut évidemment pas faire dans le système géocentrique hérité d’Aristote.
Il a coulé de l’eau sous les ponts depuis Galilée. La science des coperniciens avait en face d’elle les Écritures et la croyance en une vérité révélée et devait livrer bataille contre l’irrationnel. C’était les savants qui étaient persécutés. Aujourd’hui, des irréductibles et des farfelus tentent de manipuler les esprits pour faire passer leurs théories fumeuses : il s’agit toujours du même combat de l’obscurantisme contre la vérité.
C’est sans doute vrai qu’il y a quelque chose qui ne tourne pas rond, mais ce n’est pas la Terre !
Notes
1 Bertolt Brecht, 1938, La Vie de Galilée, éd. L’Arche, 1990, scène 9, p. 85-86.
2 http://www.catholicintl.com/galileo….
3 http://www.sciencepresse.qc.ca/actu…, Agence Science-Presse, 22 octobre 2010