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Brigitte Axelrad – SPS n° 325 juillet/septembre 2018
« L’art est le plus court chemin de l’homme à l’homme. »André Malraux
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Introduction
Un robot pourrait-il créer une sculpture, une peinture, un poème, une sonate sans l’intervention de l’être humain et qui réponde aux critères de l’art ?
Un robot pourrait-il créer une sculpture, une peinture, un poème, une sonate sans l’intervention de l’être humain et qui réponde aux critères de l’art ?
À l’heure où l’on parle d’intelligence artificielle, la question de la créativité artificielle se pose aussi. Robots et logiciels sont capables de produire des formes d’art qui peuvent être comparées à celles de l’Homme. Mais est-ce qu’on peut pour autant considérer les logiciels et les robots comme des artistes, et leurs œuvres comme des œuvres d’art ?
La révolte des robots
Le mot « robot » est d’origine tchèque. Il a été utilisé pour la première fois en 1921 par Karel Capek dans sa pièce de théâtre de science-fiction, R. U. R. (Rossum’s Universal Robots). « Robot » vient de robota qui signifie « corvée », et rob est l’ « esclave » en slave ancien.
La pièce de Karel Capek avait une consonance économique et philosophique. D’une chaîne de montage fabriquée par un industriel sortaient des robots androïdes destinés à être envoyés partout dans le monde. Mais au bout de dix ans, les robots se révoltèrent, prirent le contrôle de la chaîne de montage, construisirent de plus en plus de robots et anéantirent l’humanité.
Capek a exprimé dans sa pièce l’angoisse de l’homme qui, tel l’Apprenti sorcier de Goethe, est dépassé par sa propre création. Le robot doué d’intelligence et de créativité cristalliserait cette angoisse.
Des robots au Grand Palais
Actuellement, le Grand Palais à Paris offre une exposition intitulée « Artistes & Robots » [1] et la présente ainsi : « Cette exposition invite tous les publics à expérimenter des œuvres créées par des artistes à l’aide de robots de plus en plus intelligents. Une trentaine d’œuvres nous donne accès au monde virtuel immersif et interactif, à l’expérience sensible du corps augmenté, de l’espace et du temps bouleversés. Dans une société de plus en plus machinisée, les artistes s’intéressent d’autant plus aux robots que l’intelligence artificielle est en train de bouleverser l’existence des humains et jusqu’à la condition de l’œuvre d’art : sa production, son exposition, sa diffusion, sa conservation, sa réception. »
Pour l’heure, ce ne sont pas les robots les artistes, mais les humains qui fabriquent les robots et les logiciels. Pourtant le texte de présentation de l’exposition ajoute : « À ce jeu dangereux, ils ont une longue expérience : depuis les grottes préhistoriques, les artistes ont su jouer de leur milieu technique. Leur travail est d’autant plus surprenant qu’ils ont à leur service des logiciels de plus en plus puissants, qui donnent à l’œuvre une autonomie de plus en plus grande, une capacité de générer des formes à l’infini et une interactivité qui modifie le jeu en permanence. »
À ce « jeu dangereux », ne laisserait-on pas entendre qu’on ne peut être absolument sûr qu’un jour ou l’autre, comme dans la pièce de Capek, les robots, produits de l’intelligence des hommes et la surpassant parfois, ne fabriqueront pas des créatures à leur image, qui deviendront autonomes et prendront le pouvoir sur l’humanité ?
Cela pose aussi la question des critères de l’œuvre d’art et de l’artiste. Que manquerait-il aux robots pour être des artistes ? Dans le cas du travail sur une chaîne automobile, on pourrait imaginer qu’un robot arrête de façon imprévisible, non programmée, sa tâche répétitive, pour faire une sculpture avec la carrosserie d’une voiture. Ce qui montrerait une sorte de conscience artificielle, une intentionnalité, la capacité de dire « non » pour faire autre chose. Cela est-il réellement envisageable ?
Le rôle de l’artiste et les critères de l’œuvre d’art
Depuis le début du XXe siècle, le rôle de l’artiste et les critères de l’œuvre d’art ont été remis en question.
En 1917, Marcel Duchamp proposa un objet appelé « Fontaine », qui fut refusé lors de la première exposition de la Société des artistes indépendants de New York, mais sa réplique fut exposée en 1964 au musée national d’Art moderne du Centre Georges Pompidou. Il s’agissait d’un urinoir renversé sur lequel Duchamp avait apposé la signature « R. Mutt », et présenté de manière à ce que sa signification d’usage disparaisse sous le nouveau titre et le nouveau point de vue. Il avait voulu montrer qu’un objet manufacturé arraché à son contexte prosaïque et placé dans un nouveau contexte réussissait à s’élever au rang d’œuvre d’art. Il réitéra l’expérience. Il acheta un porte-bouteilles qu’il signa. Cet objet est considéré depuis comme le premier véritable ready-made1.
Duchamp a été l’un des premiers à qualifier d’œuvre d’art n’importe quel objet en accolant son nom à celui-ci. Ces ready-mades posent de très nombreuses questions et, du fait qu’ils n’ont pas été réalisés par l’artiste, ils mettent en question le rôle de l’artiste dans la création, la définition de l’art et de l’œuvre d’art. Dans un article de The Conversation, Jean-Jacques Neuer2s’interroge : « Qu’est-ce que l’art, s’il n’est même plus une création humaine ? Est « art » ce qui procure une émotion artistique à celui qui contemple une œuvre. Oscar Wilde ne disait-il pas : “La beauté est dans les yeux de celui qui regarde” ? Peu importe qu’il s’agisse là de la création/production d’une personne, d’un robot, d’un ordinateur ou d’un algorithme ? » Mais qui éprouve une émotion esthétique devant un porte-bouteilles ?
Peu avant Duchamp, en 1910, une bande de joyeux artistes de Montmartre avait, pour se moquer du snobisme du monde de l’art, réussi à faire entrer au Salon des indépendants un tableau peint… par la queue d’un âne.
Le canular d’Aliboron-Boronali
Le tableau s’intitulait « Et le soleil s’endormit sur l’Adriatique ». Il était signé par un jeune peintre italien, J.-R. Boronali, qui était en réalité l’anagramme du nom de l’âne Aliboron des fables de La Fontaine. De son vrai nom, l’âne s’appelait Lolo. On l’avait stimulé avec des carottes et des feuilles de tabac pour qu’il remue la queue et peigne la toile. Le tableau avait été accompagné d’un « Manifeste de l’excessivisme ». Un indice avait été donné dans la presse pour les plus perspicaces : « L’excès en tout est un défaut, a dit un âne. Tout au contraire, nous proclamons que l’excès est une force. » [2]
En 2016, le Grand Palais a exposé pendant quatre mois la célèbre œuvre de l’âne peintre de Montmartre, qui rivalise avec celles des vrais peintres, tant qu’on ne sait pas qu’elle est celle d’un âne. Aujourd’hui, ce sont les robots artistes, dessinateurs, peintres, musiciens, poètes, sculpteurs, qui font parler d’eux.
Paul, le dessinateur, et e-David, le peintre
Exposé au Grand Palais dans « Artistes & Robots », Paul n’est pas un artiste comme les autres. C’est un bras articulé couplé à une caméra numérique motorisée, conçu par le peintre-informaticien Patrick Tresset à partir de modèles informatiques spécifiques simulant le processus de traitement des images par le cerveau d›un artiste. Dans le Monde du 6 décembre 2012, Catherine Mary décrit le parcours de Patrick Tresset. Soigné pour un trouble bipolaire et ne pouvant plus ni peindre ni dessiner en raison du traitement, il a mis au point ce robot qui dessine à sa place. L’article cite Frédéric Fol Leymarie, un expert de la modélisation informatique du processus de la vision, avec qui il travaille : « C’est le premier robot ayant un style artistique intéressant, et conçu avec un artiste. La démarche de Patrick est comparable à celle de Léonard de Vinci. Il fait de la science avec l’art et de l’art avec la science. C’est une façon d’avancer qui est assez novatrice. » Les dessins de Paul sont cotés à 65 € [3]. Certains d’entre eux laissent perplexes, tant ils semblent faits par la main de l’Homme.
Le robot peintre e-David (David pour : Drawing Apparatus for Vivid Image Display), mis au point par l’université allemande de Constance, se présente lui aussi sous la forme d’un bras robotisé capable de peindre des toiles qu’il est difficile de différencier d’œuvres réalisées par l’Homme. D’après les chercheurs de l’université de Constance, le but n’est pas que ce robot remplace un jour le talent humain, même si l’on peut croire que ces toiles sont peintes par un artiste, mais de « comprendre le processus de création artistique chez l’homme et peut-être même de le traduire en algorithmes ». Les chercheurs pensent que le processus de création employé par le robot et le fait qu’il réajuste son travail à chaque coup de pinceau correspondent exactement à ce que fait un peintre et permettent de le comprendre. Avec le robot, on assiste à l’art en train de se faire.
La « roboésie »
En 1926, dans le Manifeste du surréalisme, André Breton avait lancé l’idée de l’écriture automatique sans contraintes.
L’idée de la poésie oulipienne sous contraintes avait été lancée par François Le Lionnais et Raymond Queneau, dans son livre Cent mille milliards de poèmes en 1961. Dans la préface, il écrivait : « Ce petit ouvrage permet à tout un chacun de composer à volonté cent mille milliards de sonnets, tous réguliers bien entendu. C’est somme toute une sorte de machine à fabriquer des poèmes, mais en nombre limité ; il est vrai que ce nombre, quoique limité, fournit de la lecture pour près de deux cents millions d’années (en lisant vingt-quatre heures sur vingt-quatre). »
La roboésie ou écriture robotique a fait à son tour son apparition.
Le 2 février 2014, Barthélémy Gaillard écrivait pour Europe 1 Technologie un article intitulé : « Les robots poètes sont nés », avec comme sous-titre « Des entreprises ont élaboré des robots capables de composer des poèmes. La “roboésie” est née. ». Il annonçait l’avènement de l’écriture robotique. Il écrivait : « Malgré leur imagination féconde, les surréalistes n’en croiraient pas leurs yeux. Eux qui s’étaient essayés à l’écriture automatique ne se doutaient pas à l’époque qu’un jour naîtrait l’écriture robotique. Les robots ont déjà prouvé leur capacité à accomplir des tâches matérielles aussi bien voire mieux que l’Humain, mais on sait moins qu’ils nous concurrencent désormais dans le domaine de l’art. » [4]
Le 1er février 2014, dans le même esprit, Charlotte Pudlowski titrait un article de Slate [5] : « La poésie n’a plus besoin d’humains pour s’écrire. Les Robots s’en chargent ». L’auteur de l’article écrivait : « Il est amusant de constater que ce que font ces robots, via leur automatisme, rejoint justement des recherches formelles ou des démarches intellectuelles expérimentées par des auteurs eux-mêmes bien avant toutes ces avancées technologiques ».Au nombre de ces recherches, citons par exemple l’écriture automatique avec le dédoublement de soi et la mise à distance de la conscience : « une exploration poussée à l’extrême par les robots qui en sont dépourvus. »
Teotronica et Mortimer, les robots musiciens
Teotronica est né de quatre années de travail de Matteo Suzzi, entrepreneur italien, spécialisé en électronique et passionné par les instruments de musique. C’est un robot pianiste qui joue comme un virtuose grâce à dix-neuf doigts. Son inventeur dit : « Il s’agit du nombre parfait pour couvrir le clavier et y jouer une mélodie, ou une chanson. » Il ajoute que Teotronica joue plus rapidement et plus précisément qu’un être humain. En Chine, au Salon de la robotique, en août 2017, il a joué du Mozart avec le pianiste Roberto Prosseda. Le public a jugé qu’il était un parfait interprète. Mais ne lui manque-t-il pas ce supplément d’âme qui sublime le jeu du pianiste au fur et à mesure que les notes le submergent ? Son interprétation n’est-elle pas trop parfaite ? Toutefois, il arrive que la course à la perfection, chez certains solistes eux-mêmes, les amène à un jeu un peu standard ou ennuyeux. Et si un robot très intelligent voulait tromper son monde, ne pourrait-il pas faire en sorte de ne pas être trop parfait ?
Quant au robot Mortimer, c’est un batteur qui manie parfaitement les baguettes et qui improvise. De plus, il interagit avec les musiciens. Le musicien et ingénieur du son Patrick Burniston dit que Mortimer comprend les signaux qu’il reçoit et y répond en jouant. Son intelligence artificielle lui permet ainsi d’improviser à la batterie, à partir de notes de piano.
C’est un véritable défi pour le musicien. Il explique : « Quand tu joues avec d’autres musiciens et que vous improvisez ensemble, il y a beaucoup d’indices que vous vous échangez, consciemment ou non, pour rendre plus facile l’improvisation à plusieurs. Ça peut être visuel avec des regards, des sourires, des hochements de tête, ou des indices musicaux que l’oreille va relever… » Mais pour jouer avec Mortimer, impossible de se fier à ces indices.
Le 23 juin 2006, Mélody Enguix avait évoqué le laboratoire du BRAMS (Brain, Music and Sound), un groupe de recherche de l’université de Montréal sur la musique, dans son article « Le piano sans pianiste » [6]. Elle écrivait : « la magie n’est que de la technologie de pointe. Son but : percer les mystères de l’interprétation. » Elle ajoutait : « Un ordinateur va jouer une partition à la perfection… ce qui est parfaitement ennuyeux à écouter. Le musicien, lui, introduit tout au long du morceau d’infimes variations qui donnent vie à la partition. »
Mais l’admiration devant la performance de la machine ne permet-elle pas de dépasser l’ennui ?
La réalisation d’une machine ou d’un robot peut-elle inspirer une émotion esthétique ?
Ce sont de puissants algorithmes de calcul qui permettent aux robots de réaliser des œuvres étonnantes, qui parfois ne se distinguent plus nettement des œuvres créées par l’artiste.
Pierre Fautrel, Gauthier Vernier et Hugo Caselles-Dupré ont fondé le collectif Obvious [7] qui a entraîné pendant plus d’un an une intelligence artificielle à créer son propre tableau de maître. Ils ont baptisé ce portrait « Le Comte de Belamy », du nom du chercheur en intelligence artificielle, Ian Goodfellow, qui a inventé en 2014 le programme GANs (Generative Adversial Networks) et initié le mouvement GANism. Le tableau est signé par un algorithme3. Depuis le 16 février 2018, il est en vente sur eBay [8] ! « Le mettre en vente comme une œuvre à part entière fait partie intégrante de la démarche », explique Pierre Fautrel. Avec l’argent récolté, le collectif espère poursuivre ses recherches en finançant du matériel informatique, coûteux pour ce type de travaux, et éventuellement des locaux dédiés. L’enchère de départ est de 10 000 euros. Le collectif espère que leur intelligence artificielle deviendra un jour un grand maître du XXIe siècle !
Flow Machines, l’intelligence artificielle de Sony, a créé « Daddy’s Car », un morceau composé « façon Beatles », une autre a écrit une nouvelle inspirée de l’univers Harry Potter : « Harry Potter et le portrait de ce qui ressemble à un tas de cendres ». En s’appuyant sur les sept romans qui relatent les aventures du jeune sorcier, cet outil algorithmique, mis au point par les studios Botnik, est parvenu à composer un conte dont l’intrigue et le style d’écriture sont directement inspirés de Harry Potter.
Autre prouesse technologique : un Rembrandt, qui n’a pas été peint il y a 400 ans, mais récemment. Dans une vidéo YouTube [9], la démarche est expliquée en détails. Il y a trente ans, une équipe de scientifiques de l’université de Delft s’est lancée dans le pari un peu fou de copier à l’identique un célèbre portrait de Rembrandt datant de 1669. Pour cela, ils ont numérisé la toile originale et ont imprimé leur copie en 3D. Le résultat est un tableau très fidèle à l’original.
Trois ans plus tard, les scientifiques ont franchi une nouvelle étape avec le projet « The Next Rembrandt ». Il s’agissait non plus de copier mais d’inventer un nouveau tableau 400 ans après la mort de l’artiste. Après dix-huit mois de travail, l’équipe d’Emmanuel Florès, directeur technique, a réussi ce projet. « Notre question, c’était : Comment pouvons-nous comprendre Rembrandt d’un point de vue statistique et grâce aux données récoltées, et fabriquer un chef d’œuvre en exploitant ces connaissances ? Et cette question en amenait d’autres. Comment reproduire la beauté et comment mesurer la beauté ? »
Si les informaticiens ont choisi Rembrandt, c’est parce que la beauté de ses toiles repose sur la technique du clair-obscur. Pour définir les caractéristiques du style du peintre, plus de 300 portraits de Rembrandt peints entre 1622 et 1632 ont été étudiés à la loupe et scannés en très haute définition pour n’en perdre aucun détail. L’étude de tous ces portraits a permis de dresser le portrait-robot d’un personnage imaginaire que Rembrandt aurait pu peindre.
Les informaticiens y sont parvenus en utilisant un algorithme impressionnant. Morris Frank, de l’université d’Amsterdam, explique : « On a utilisé un algorithme qui peut détecter plus de 60 points sur une peinture. Nous avons utilisé ces points pour déterminer l’inclinaison de la tête et à partir de ça, nous avons réussi à orienter les visages face caméra. Une fois les visages correctement orientés, nous avons pu estimer la distance entre les yeux, le nez, la bouche et les oreilles. »
À partir de là, les informaticiens ont comparé les portraits en les superposant et ont pu alors créer un modèle type d’yeux, de nez, de bouche et d’oreilles, tels que Rembrandt les peignait. Grâce au codage de toutes ces informations, l’ordinateur s’est lancé dans un calcul de plus de 5 000 heures, ce qui a donné une œuvre numérique en très haute définition. Pour restituer le relief, l’algorithme a également identifié les différentes couches de peinture superposées, qui constituent la touche du peintre, à la manière d’une carte topographique qui matérialise les différences de relief d’un paysage. Cette modélisation a été ensuite imprimée en 3D sur treize couches. Le résultat est étonnamment proche du rendu de la peinture à l’huile utilisée par Rembrandt. Pour les créatifs, être capable d’imiter le rendu de façon presque parfaite avec une autre matière est une prouesse technologique.
Si les copistes peuvent s’inquiéter, les faussaires de génie, qui recréent la toile d’époque récupérée sur d’autres tableaux, l’usure, les attaques d’insectes, les patines, les vernis, n’ont pas de souci à se faire parce que, disent les experts, cet algorithme « ne leur arrive pas encore à la cheville ». Il reste que le nouveau tableau Rembrandt [10] est un tableau unique dans l’Histoire de l’art et des technologies. Est-ce qu’il suscitera la même émotion esthétique qu’un tableau peint par la main de Rembrandt ?
Dans ces réalisations, c’est la créativité humaine qui est à l’ouvrage. Cela nous convie à admirer d’autant plus les productions des robots qu’elles sont la conjugaison de la technique, de l’intelligence et de l’imagination créatrice, du talent et même du génie humains. Oui, les robots sont capables de produire des œuvres d’art et peuvent nous surprendre, nous émouvoir, mais ne leur manque-t-il pas l’idée créatrice et la conscience intentionnelle, qui sont le propre de l’artiste ? Le 2 avril 2018, dans l’émission de France Culture, « L’intelligence “en marche” », Cédric Villani4 a dit que l’intelligence artificielle est pleine de mystères, mais qu’elle n’est pas intelligente, qu’elle ne comprend rien, qu’elle n’a aucune culture [11]. D’un autre côté, Jean-Paul Delahaye, dans son article « Encore l’intelligence artificielle », avait écrit : « On peut donc dire que ce que fait l’assistant informatique est uniquement ce que des humains lui ont demandé de faire, qui eux seuls doivent donc être qualifiés d’intelligents. Cependant, ce serait là encore refuser de voir l’évidence : bien que nous éduquions nos enfants et que nous soyons essentiels à leur développement intellectuel, cela n’empêche pas qu’une fois séparés de nous, on puisse dire qu’ils sont – eux – intelligents. » [12].
Références
[1] Grand Palais, Galeries nationales, Artistes & Robots, 5 avril 2018 – 9 juillet 2018, sur grandpalais.fr
[2] Montmartre, un village, « Et le soleil se coucha sur l’Adriatique » par Boronali, l’âne peintre de Montmartre au Grand Palais ! Du 2 mars 2016 au 04 juillet 2016 sur montmartre-guide.com
[3] Mary C, « Patrick Tresset, l’artiste et son double », Le Monde, 6 décembre 2012, sur lemonde.fr
[4] Gaillard B, « Les robots poètes sont nés », Europe 1, 2 février 2014 sur europe1.fr
[5] Pudlowski C, « La poésie n’a plus besoin d’humains pour s’écrire. Les Robots s’en chargent », Slate, 1er février 2014, sur slate.fr
[6] Enguix M, « Le piano sans pianiste », 23 juin 2006, sur afis.org
[8] « An artwork created by an artificial intelligence » : « Le Comte de Belamy » sur ebay.fr
[7] Collectif Obvious sur obvious-art.com
[9] « Un Rembrandt créé par intelligence artificielle » sur youtube.com
[10] « Le nouveau Rembrandt » sur youtube.com
[11] Villani C, L’intelligence « en marche », France Culture, 2 avril 2018 sur franceculture.fr
[12] Delahaye JP, « Encore l’intelligence artificielle », SPS n °315, janvier 2016 sur afis.org
1 Ready-made ( « tout-fait ») : « Objet manufacturé promu au rang d’objet d’art par le seul choix de l’artiste. (Notion élaborée par M. Duchamp en 1913. Le ready-made peut être “aidé”, “assisté” ou “rectifié” par certaines modifications.) »Dictionnaire Larousse.
2 Jean-Jacques Neuer est avocat d’affaires, spécialiste de l’art et de la culture. Il est cofondateur de l’Association française pour la démocratisation de l’art, une institution philanthropique à but culturel.
4 Cédric Villani, lauréat 2010 de la médaille Fields, mène depuis septembre dernier une large réflexion sur l’intelligence artificielle (IA) qui a conduit à la remise, mercredi 28 mars 2018, d’un rapport détaillé sur le sujet.