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Les coaches : la carotte ou le bâton ?
par Brigitte Axelrad – SPS n° 311, janvier 2015
Mais il existe sur le marché de l’électronique de petits appareils, grâce auxquels vous pouvez devenir votre propre coach. En effet, grâce à la technologie issue de la microélectronique, on peut, aujourd’hui, concevoir des fonctions impensables il y a quelques années.
Les matériaux de base, notamment le silicium, permettent de fabriquer une multitude de capteurs (qui mesurent un phénomène physique, chimique ou biologique) et d’actuateurs (qui font une action), miniaturisés et bon marché (quelques centimes d’euro).
Ce sont ces dispositifs qui déclenchent l’airbag de votre voiture, en cas de choc, qui identifient vos empreintes digitales sur votre tablette, qui font tourner les textes de votre smartphone, et bien d’autres choses encore. Les innovateurs peuvent donc s’en donner à cœur joie, mesurer tout et n’importe quoi, et agir sur vous.
Dans le domaine du coaching électronique, l’imagination semble sans limite…
La carotte
Des appareils, dits de première génération, tels que les Fitbit [1], connectés à un ordinateur, un smartphone ou une tablette, incitaient leurs utilisateurs à faire du sport, courir, dormir raisonnablement, manger sainement. En lisant les courbes quotidiennes sur leur écran, ils pouvaient constater leurs progrès ou, sinon, abaisser d’un cran leurs exigences, pour qu’elles correspondent mieux à leurs possibilités. Quand leurs propriétaires accomplissaient les performances qu’ils s’étaient fixées, ils recevaient des félicitations numériques et des badges virtuels. Ils pouvaient se faire un réseau d’« amis », avec qui ils échangeaient des compliments et des encouragements.
Ces coaches électroniques gentils offraient la carotte. Ils ont fait fureur, mais ils tendent à passer un peu de mode. La prochaine vague maniera le bâton. Allons-nous bientôt voir des objets que nous posséderons, chaise, briquet ou fourchette, nous rappeler à l’ordre, si nous nous écartons du droit chemin ?
Le bâton
Par exemple, le Quitbit est un briquet qui compte le nombre de fois où son propriétaire fume, dans l’espoir que cette information l’incitera à réduire cette habitude.
Les buveurs auront aussi leurs coaches, le Breathometer ou l’Alcohoot, qui mesureront leur état d’ébriété et les alerteront, dès qu’ils dépasseront la norme.
Quant au mangeur trop goulu, la fourchette électronique Hapifork vibrera dans sa main, lorsqu’il mangera trop vite. L’idée est que manger plus lentement aide à consommer moins de nourriture, à mâcher plus longtemps pour faciliter la digestion et à diminuer ainsi le reflux gastrique.
Le Lumoback, une ceinture connectée, qui vous secoue dès que vous vous laissez aller, vous obligera à vous tenir droit. Un capteur vous enverra une impulsion de plus en plus forte, jusqu’à ce que vous ayez trouvé la bonne posture. Une application sur votre smartphone vous permettra de la visualiser et de vous attribuer une note.
Pour ceux qui sont mal à l’aise avec une ceinture vibrante, il y a le Darma, le « coussin intelligent », qui vous enverra un signal pour vous inciter à vous lever, car rester longtemps assis est mauvais pour la santé.
Toutefois, le dispositif le plus impitoyable ne sera disponible sur le marché qu’en 2015, c’est le Pavlok [2].
Le Pavlok
Son nom est un clin d’œil au père de la recherche sur le réflexe conditionnel, Ivan Pavlov, célèbre physiologiste russe, connu pour son expérience sur la salivation du chien. Dès 1889, Pavlov montra que si l’on accoutumait un chien à accompagner sa nourriture d’un stimulus sonore, ce dernier pouvait, à la longue, déclencher la salivation de l’animal, sans être accompagné de nourriture. Le stimulus sonore pouvait être remplacé par n’importe quel autre stimulus et l’expérience étendue à l’homme. Le réflexe de Pavlov devint ainsi le modèle du conditionnement, qui, chez l’homme, permet non seulement de prévoir sa conduite, mais aussi de la prédéterminer et de la modifier. Aldous Huxley, dans Le Meilleur des mondes, Georges Orwell, dans 1984, s’élevèrent contre les abus de ce façonnement des comportements humains. Il reste que les habitudes acquises sont souvent un frein à l’évolution de notre personnalité et que, si nous parvenons à changer celles qui sont mauvaises pour en acquérir de bonnes, nous pourrons devenir plus performants dans notre travail et plus épanouis dans notre vie privée.
Telle est l’idée de Maneesh Sethi, inventeur du bracelet Pavlok, un étudiant de l’Université Stanford en Californie et un blogueur devenu célèbre sur Internet, après avoir embauché une femme pour le gifler chaque fois qu’il ouvrait machinalement Facebook, et avoir confirmé que cela avait boosté sa productivité et amélioré la qualité de son travail !
Le bracelet Pavlok, que l’équipe de M. Sethi dit avoir testé sur plusieurs centaines d’utilisateurs, est né de cette expérience !
D’après son mode d’emploi, Pavlok serait assez simple à utiliser : vous portez votre bracelet, vous téléchargez une application sur votre smartphone, que vous configurez vous-même. Concrètement, vous déterminez vos mauvaises habitudes et Pavlok saura vous remettre dans le droit chemin, en produisant une décharge électrique. Les possibilités sont infinies : vous pouvez améliorer votre productivité en luttant contre votre dépendance à Facebook ou à d’autres sites chronophages, lutter contre votre addiction aux burgers ou arriver à l’heure au travail, en programmant une décharge à l’heure du lever ou quand vous entrez dans un fast-food…
C’est simple : vous vous fixez des objectifs « à la carte », tels que ne plus vous goinfrer de gâteaux au chocolat, ne plus paresser au lit, ne plus vous ronger fébrilement les ongles, ne plus vous éparpiller sur le Web… Si vous ne les avez pas remplis, le bracelet vous enverra un choc électrique, que vous pouvez programmer de 17 à 340 volts, et une amende. Si vous les atteignez, vous recevrez des récompenses comme des billets de loterie ou d’argent. Selon les inventeurs, Pavlok peut envoyer jusqu’à 200 décharges, avant de devoir être rechargé.
Pavlok commence par une punition pour mauvaise conduite, mais, au fil du temps, vous abandonnerez vos mauvaises habitudes et en adopterez de bonnes, vous recevrez de moins en moins d’alertes négatives, et vous pourrez ne plus vous imposer ces coups de bâton. Le rêve !
Pavlok n’est pour le moment qu’un prototype en quête de financement. Lancée sur le site de financement participatif Indiegogo [3], fin septembre, la campagne aurait d’ores et déjà permis de récolter plus de 100 000 dollars, alors que les concepteurs voulaient en récolter 50 000. Le prix de vente devrait être d’environ 250 dollars.
Cher ? Mais les services d’un coach ne sont pas donnés non plus.
Et le bonheur n’a pas de prix !