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Ouvrage réalisé sous la direction du Dr Jean-Marc Benhaiem. Éditions in Press, 2015, 15€
Note de lecture de Brigitte Axelrad – SPS n° 313, juillet 2015
Sommaire de la page
L’ouvrage
Il s’agit d’un ouvrage collectif, introduit et dirigé par le Dr Jean-Marc Benhaiem, entouré de dix médecins, psychiatres, psychothérapeutes, anesthésistes ou addictologues et d’une psychologue clinicienne. Tous sont spécialisés dans l’hypnose thérapeutique et médicale. La plupart sont des praticiens de l’hypnose en CHU et, parmi eux, certains sont formateurs à l’Association Française pour l’étude de l’Hypnose Médicale.
Ce guide sera utile pour mieux comprendre, en particulier, la raison du retour actuel de la pratique de l’hypnose dans le milieu thérapeutique et hospitalier. Il permettra aussi de déjouer en partie les nombreuses idées fausses concernant l’hypnose. En effet, l’hypnose est un domaine mystérieux, qui suscite à la fois méfiance et fascination. Le Dr Patrick Richard, dans son article « Hypnose et anesthésie », en donne la raison principale : « L’hypnose dans l’imaginaire collectif est assimilée à une prise de pouvoir sur la volonté d’un sujet alors incapable de s’opposer aux ordres et chez lequel apparaissent des capacités physiologiques supra normales. Malheureusement ou heureusement, il n’est pas possible d’obtenir ce type de pouvoir occulte avec l’hypnose » (p. 192).
L’auteur principal
Jean-Marc Benhaiem est reconnu en tant que spécialiste de l’hypnose en France. Il est praticien hospitalier aux Centres de traitement de la douleur de l’Hôpital Ambroise Paré et de l’Hôtel Dieu. Il a créé, en 2001, le premier diplôme universitaire d’hypnose médicale à la Pitié Salpêtrière, Paris VI, dans le service d’anesthésie du Pr Pierre Coriat. Il est également président de l’AFEHM. Il pratique l’hypnose dans le traitement des addictions, des douleurs chroniques, des phobies et des syndromes de stress post-traumatiques. Il a déjà publié plusieurs livres sur les applications médicales de l’hypnose.
Le contenu du livre
Outre l’introduction de J.-M. Benhaiem, le guide se compose de sept parties. Chaque partie couvre un aspect de la question : « L’expérience de l’hypnose », « L’hypnose pour soigner le mal de vivre : peurs, anxiété, harcèlement… », « Hypnose et addictions, un désenvoûtement ? », « Hypnose et anesthésie : calmer les douleurs au bloc opératoire », « Hypnose et douleurs », « Hypnose et fertilité », « L’hypnose en pratique ». Chaque chapitre comporte un ou plusieurs articles, dans lesquels les médecins témoignent de leur approche respective de l’hypnose et l’illustrent par des cas.
Dans une belle harmonie, chaque article est précédé d’une citation de Jean-Marc Benhaiem qui donne la note, commence par une introduction et se termine par une conclusion. L’avantage est que, si on veut faire un tour d’horizon rapide de l’ouvrage et du sujet, on peut ne lire dans un premier temps que les introductions et les conclusions. Les cas concrets, qui jalonnent les exposés, permettent de mieux faire comprendre les prescriptions spécifiques de l’hypnose, ses moyens et ses résultats. L’accent est mis sur la qualité de la relation humaine patient/praticien nécessaire pour réussir. On découvre que le professionnel retire autant sur le plan personnel et professionnel d’une hypnose réussie que le patient qui se libère d’une addiction ou supporte sereinement une intervention chirurgicale.
L’analyse
Toutefois, le lecteur aura peut-être l’impression en lisant ce livre de s’introduire dans un monde idyllique où les échecs n’existent pas. Au pire, si l’hypnose ne réussit pas, elle n’échoue pas non plus.
Pourtant, l’hypnose n’a-t-elle jamais d’effets indésirables chez des patients vulnérables et les hypnothérapeutes sont-ils tous d’égale compétence ? Ne faudrait-il pas éclairer aussi le lecteur sur cet aspect de la question afin qu’il soit guidé dans ses choix thérapeutiques comme dans le choix du bon thérapeute ? Par ailleurs, il y a, à l’heure actuelle, une forte demande du public pour, grâce à l’hypnose, retrouver des souvenirs, traumatiques ou non.
Les regrets
Mais nulle part, je n’ai trouvé dans ce guide la mise au point très importante, aussi bien pour les professionnels que pour les patients, que J.-M. Benhaiem avait faite dans un article du Huffington Post, le 23 décembre 2013, sous le titre « L’hypnose ne permet pas de retrouver la mémoire de faits réels… » : « L’hypnose peut créer de faux souvenirs parce qu’elle a pour objectif le soulagement de la souffrance. Mais ces souvenirs n’ont aucune valeur pour la Police ou la Justice : ils sont fabriqués de toute pièce. La vraie application de l’hypnose n’est pas la remémoration, mais l’oubli. La plupart des pathologies obsessionnelles, les regrets, la rumination, les plaintes, les culpabilités et les douleurs, attendent leur remède : l’oubli. Oublier n’est pas ne pas savoir. Oublier c’est ne plus se référer au passé pour exister. Tous ceux qui veulent réactiver le passé devraient penser qu’ensuite il leur faudra oublier pour trouver un apaisement »1.
Par ailleurs, si le chapitre « Hypnose et anesthésie » fait référence à plusieurs études qui montrent nettement les apports de l’hypnose dans ce domaine, d’autres chapitres, tels que « Hypnose et addictions, un désenvoûtement ? » en manquent singulièrement. Les références bibliographiques et les témoignages ne suffisent pas pour convaincre de l’efficacité de l’hypnose dans le traitement des addictions ou des syndromes de stress post-traumatiques. Dernière petite remarque : on aurait souhaité un bref lexique qui explique certains termes un peu ésotériques, tels que « la transe pure », « la perceptude », « le lâcher prise », « la dissociation », etc., ou encore l’acronyme « AFEHM ».
Pour conclure
Au-delà de ces remarques, de la structure du livre et de certains propos, qui conduisent à l’impression d’entrer dans un cénacle où Maître et disciples parlent d’une même voix, ce guide sera sans nul doute utile pour mieux comprendre ce qu’est l’hypnose, bien qu’il ne la démystifie pas totalement.