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par Brigitte Axelrad – Mis à jour le 13 juin 2012. publié par l’AFIS
Le 10 avril 2012, se tenait à Paris le premier procès contre un thérapeute de la fausse mémoire. Un « humanothérapeute »1, Benoît Yang Ting et son épouse sont accusés de manipulation mentale par deux anciens patients, Bernard T., consultant en management, et Sophie P., avocate.
Les plaignants ont raconté les sessions de thérapie de 3 à 5 semaines, 6 à 8 heures par jour, 7 jours sur 7, allongés nus sur un divan, au cours desquelles ils ont été amenés à retrouver et à revivre des souvenirs de scènes remontant à leur petite enfance « pour déraciner la souffrance ».
C’est ainsi que Sophie P. se serait « souvenu » avoir subi des viols par son père et Bernard T., des tentatives de sa mère pour avorter au moyen d’une aiguille à tricoter « bleue », quand elle était enceinte de lui.
Sophie P. raconte qu’après la séance de thérapie, elle rentrait à l’hôtel et devait en écrire un compte-rendu pour le remettre à son thérapeute : « Vous mangez le minimum, vous dormez 3, 4, 5 heures et vous passez la nuit de veille à rechercher des images de votre passé. »2 À la suite de la perte de sa mère à 16 ans, elle recherchait depuis longtemps des conseils en psychologie. En 1993, à 25 ans, elle s’en remet à ce thérapeute et va jusqu’à accepter des relations sexuelles qui lui sont présentées comme des passages obligés vers la guérison. Elle a maintenant 42 ans.
Bernard T. a mis 22 ans à ouvrir les yeux ! Les problèmes au sein de son couple l’avaient amené à consulter : « Lors des sessions, Yang Ting me faisait suffoquer en m’appuyant sur le visage. Il répétait que je n’avais pas réellement mal et qu’il fallait remonter dans le passé pour trouver l’origine de ma souffrance. […] Je me suis mis à inventer n’importe quoi, jusqu’à la couleur de l’aiguille à tricoter dans son utérus ! » Quand Bernard T. commence à douter de la parole du gourou 23 ans plus tard, sa femme le quitte, témoigne contre lui, obtient la garde de sa fille, qui à son tour retrouve des souvenirs, devinez lesquels !
Grâce à l’aide de son futur mari, Sophie P. s’est aperçue de l’escroquerie en comparant ses souvenirs avec ceux d’autres patients : « On s’est même aperçu qu’on avait vécu la même chose, c’est-à-dire qu’on avait toutes été violées par notre père voire notre grand-père ».
Au cours de l’instruction, l’« humanothérapeute » confie avoir été « ébloui par Freud » pendant ses études et présente l’argent comme la mesure d’un élément affectif : « C’est un outil depuis Freud. ».3 C’est fort de cette précieuse caution qu’il facture ses prestations, des stages intensifs, 45 000€ la semaine, 320€ de l’heure, sanctionne 50€ chaque faute d’orthographe dans les comptes-rendus, 150€ pour ouvrir son courrier quand cela est interdit, 75€ pour aller aux toilettes… Bernard T. dit avoir versé au total 750 000€. La somme s’élèverait à 238 000€ en douze ans pour Sophie P. Le thérapeute accuse les deux plaignants de se manipuler mutuellement et affirme : « Le patient est libre, je cherche seulement à le comprendre, c’est lui qui choisit d’adhérer à ma méthode, s’il paie c’est que c’est bon pour lui et s’il m’accuse aujourd’hui, c’est parce qu’il a encore très mal. J’ai une déontologie mais elle est spontanée… ».
Le Procureur de la République, dénonçant l’abus de faiblesse par manipulation mentale, a requis 18 mois de prison avec sursis et 100 000€ d’amende contre l’ « humanothérapeute », 12 mois de prison avec sursis contre sa femme, ce qui parait bien peu au regard des préjudices subis et des sommes considérables encaissées. Le jugement sera rendu le 12 juin. On peut au moins espérer que ce cas fera jurisprudence en France !
Le psychothérapeute parisien, accusé par deux anciens patients de les avoir manipulés mentalement, leur créant notamment de faux souvenirs traumatisants, a été reconnu coupable d’abus de faiblesse, mardi 12 juin. Il a été condamné à un an de prison avec sursis et 50 000 euros d’amende par le tribunal correctionnel de Paris. Le ministère public avait requis, le 12 avril, dix-huit mois de prison avec sursis et 100 000 euros d’amende. Benoît Yang Ting, 76 ans, devra verser 100 000 euros et 50 000 euros de dommages-intérêts aux deux anciens patients qui s’étaient constitués parties civiles.
Patient | Jugement du 12 juin 2012 : Dommages et intérêts | Sommes versées au thérapeute au cours de la thérapie |
---|---|---|
Bernard T. | 100 000 euros | 750 000 euros |
Sophie P. | 50 000 euros | 238 000 euros |
Une sanction symbolique qui fera peut-être jurisprudence, mais qui n’est pas dissuasive. Rappelons que les thérapeutes américains ont été condamnés à des millions de dollars de dommages et intérêts avant de cesser leurs pratiques…
Une des questions est de savoir comment des gens qui ont fait des études supérieures et exercent une profession telle que celle d’avocat, consultant en management, médecin, professeur, ingénieur, etc. peuvent être manipulables au point de se soumettre totalement aux délires d’un charlatan, rejeter leur famille, leurs amis, leurs convictions et verser des sommes astronomiques.
Cette incapacité de telles personnes à déjouer les pièges de la manipulation mentale montre que faire des études ne suffit pas tant que l’on n’y adjoint pas une véritable formation à l’esprit critique.5.
1 Il exerce à Paris sous la forme juridique profession libérale, 8690D, activités des infirmiers et des sages-femmes.
2 http://www.romandie.com/news/n/_D_a…
3 http://www.francesoir.fr/actualite/…
4 http://www.lexpress.fr/actualite/so…
5 Faux souvenirs et thérapies de la mémoire retrouvée et « Faux souvenirs et manipulation mentale »