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par Brigitte Axelrad – SPS n° 292, octobre 2010 publié par l’AFIS
En 1904, l’un des plus vieux rêves de communication humaine avec un animal sembla se réaliser. Clever Hans, un cheval de huit ans, était capable de répondre à des questions nécessitant des calculs mathématiques, en tapant le sol avec son sabot. Si par exemple son maître, William Von Osten, ancien professeur de mathématiques, lui demandait combien font 3 plus 2, le cheval tapait 5 fois avec son sabot. Il pouvait aussi épeler et lire des mots, (un coup pour la lettre a, deux pour b, et ainsi de suite), identifier des notes de musique, dire l’heure et reconnaître des gens sur des photographies, toujours en tapant le sol avec son sabot, à condition que les questions soient converties en nombres. Quand Von Osten commença à montrer son cheval en public, des équipes de savants accoururent de toute l’Europe, ainsi qu’une foule de gens ordinaires. Ils observèrent que Hans répondait juste aussi en l’absence de son maître, et conclurent au prodige. Grâce à Clever Hans, son maître gagna une immense notoriété.
Un « remarquable cheval »…
Le 12 septembre 1904, un groupe de treize experts et savants de renom rejetèrent, dans un rapport, la possibilité d’une supercherie et « accordèrent la plus haute respectabilité et importance scientifique à ce remarquable cheval ».1
… qui échoue
Un jeune étudiant en philosophie et médecine, Oskar Pfungst, continua cependant les recherches au moyen d’une méthode expérimentale. Trois mois plus tard, un nouveau rapport publia sa découverte : « Le cheval se trompait dans ses réponses à chaque fois que la solution du problème qu’on lui soumettait était inconnue des personnes présentes. Lorsque par exemple on plaçait devant le cheval un nombre écrit ou les objets à compter en sorte qu’ils fussent visibles de lui seul, et en particulier invisibles du questionneur, il échouait à répondre correctement. Il ne savait par conséquent ni compter, ni lire, ni résoudre des problèmes d’arithmétique.
Le cheval échoua encore chaque fois que des œillères suffisamment grandes l’empêchèrent de voir les personnes, et en particulier le questionneur, qui connaissaient la solution. Il avait besoin par conséquent d’une sorte de secours visuel »2
Le rapport insista en outre sur le fait que le cheval réagissait aux stimuli visuels même non-intentionnels qu’il percevait chez son maître et que Pfungst réussit à identifier : « M. Pfungst est parvenu à identifier chez M. Von Osten les différents types de mouvements qui étaient à l’origine des diverses performances du cheval. »
Von Osten fut bouleversé par ces découvertes et passa sa colère sur son cheval, puis, écrit Watzlawick, « il reprit bientôt confiance et n’autorisa plus aucune expérience. Selon un mode de comportement caractéristique, il préféra à l’incontournabilité des faits, une vision de la réalité conforme à ses convictions ».
Une farce cruelle
Par la suite, l’histoire du cheval intelligent donna son nom à l’ « effet Clever Hans » ou « effet idéomoteur », par lequel un animateur obtient la réaction réflexe d’un animal ou d’une autre personne, en guidant son comportement moteur. Le cheval n’était pas la source des réponses, mais un simple canal par lequel ceux qui le questionnaient faisaient passer leur message.
Si cette affaire peut faire sourire lorsqu’elle ne concerne qu’un cheval, elle devient tragique lorsque, sous forme de « Communication facilitée », elle s’applique à des enfants autistes3 ou à des handicapés, tels Rom Houben.
James Randi a qualifié de farce cruelle ce procédé, qui consiste de la part du « facilitant » à déplacer la main du « facilité » sur le clavier de l’ordinateur et à prétendre que ce message est le sien. D’après la vidéo de la scène, cet homme ne voit pas l’écran. Il n’est pas au courant de ce qui se passe. Il est une victime inconsciente d’une comédie tragique. Aux États-Unis, l’Association for Behavior Analysis International, l’American Academy of Child and Adolescent Psychiatry, et l’American Association on Mental Retardation ont déclaré n’avoir aucun doute sur le fait que l’utilisation de la communication facilitée est en soi « injustifiée et contraire à l’éthique. »4
1 Paul Watzlawick, La réalité de la réalité, Confusion, désinformation, communication, 1978, col. Points, « Les avantages de la confusion », pp.35-50
2 Extraits de ce rapport cités par Watzlawick.
3 Abstracts du Colloque « L’autisme de la biologie à la clinique ». 7 et 8 avril 1995 – Paris Communication facilitée Anne-Marie Vexiau : http://psydoc-fr.broca.inserm.fr/co….