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Les avancées dans l’étude des causes possibles de l’autisme
Par Brigitte Axelrad – Mis à jour le 23-05-2009 – SPS n° 286, juillet-septembre 2009 publié par l’AFIS
« Il fallait trouver un coupable, et ce fut la mère qui fit les frais de cette nouvelle croisade. »1
Le 14 février 2009, un bref article de Jean-Yves Naud dans le journal Le Monde décrit une avancée dans la connaissance de l’autisme, grâce à l’utilisation de l’imagerie fonctionnelle par résonance magnétique (IRM). Cette étude, menée par une équipe mixte Inserm-CEA, associée notamment à plusieurs équipes de pédopsychiatres de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, et conduite par Nathalie Boddaert, a mis en évidence des anomalies sur les images IRM du cerveau de l’autiste. L’article se termine par le point de vue de Bernard Golse, psychanalyste et chef du service de pédopsychiatrie de l’hôpital Necker-Enfants Malades (Paris), qui estime « que ces derniers acquis sont pleinement compatibles avec une approche psychanalytique.Selon lui, les deux approches se focalisent pour l’essentiel sur le lobe temporal supérieur cérébral humain ainsi que sur les fonctions qui y sont localisées, qu’il s’agisse de mécanismes de reconnaissance des visages et de la voix ou des processus d’analyse des mouvements et d’articulation des flux sensoriels. » (Le Monde, 14 février 2009)
Rappelons que l’autisme est un trouble du comportement, qui se manifeste par une inadaptation à l’environnement familial et social, et une impossibilité à communiquer avec son entourage. Les causes exactes de ces troubles restent encore à découvrir. Aujourd’hui, plus de 60 ans après la première description de l’autisme, on considère qu’il est plus approprié de parler « des autismes », de « syndromes autistiques », ou de « troubles envahissants du développement ». Il y a, en effet, malgré l’existence de caractéristiques communes, une très grande hétérogénéité entre les syndromes autistiques. De même, leur évolution est très variable, sans doute en raison de la pluralité probable de leur cause.
Les avancées dans l’étude des causes possibles de l’autisme
Courant février 2009, la revue en ligne PLoS ONE publie une étude de l’équipe conduite par Nathalie Boddaert, présentée devant l’Académie de médecine2. Cette étude met en évidence, par l’imagerie par résonance magnétique (IRM), l’association de l’autisme avec des anomalies cérébrales essentiellement localisées au niveau du lobe temporal. Les IRM de 77 enfants autistes d’environ 7 ans (64 garçons et 13 filles) ont été comparées à celles de 77 enfants témoins, au même âge et non porteurs du syndrome AD (Autistic Disorder) de l’autisme. Les deux groupes (autiste et témoin) ont été choisis en respectant les critères statistiques et d’échantillonnage. Ces enfants ont fait l’objet d’un bilan pédopsychiatrique, neuropsychologique, métabolique et génétique très détaillé. Alors que chez les enfants témoins, aucune anomalie n’a été décelée, chez 48 % des enfants autistes des anomalies prédominent au niveau de la substance blanche3. Chez les enfants autistes, les anomalies sont particulièrement marquées au niveau du lobe temporal, essentiel pour le langage et la cognition.
- Clichés montrant les zones altérées
- Crédit : INSERM-CEA
Il est à noter que ces anomalies, notamment les lésions de la matière blanche, ne sont pas spécifiques de l’autisme et sont trouvées dans d’autres pathologies mentales.
Les anomalies IRM permettent de distinguer des sous-catégories d’autisme.
Par ailleurs, une recherche menée en 2004 par Monica Zilbovicius, (Inserm-CEA), en association avec l’Université de Montréal, avait montré que le cerveau des autistes ne réagit pas normalement au son de la voix.
« Nous avons réalisé à Orsay avec cinq autistes adultes et huit sujets sains, la même expérience que Pascal Belin4 avait effectuée. Sachant que la moitié des autistes ne parviennent jamais à parler, nous avons volontairement choisi des personnes qui maîtrisaient la parole, pour éviter tout biais lié au non-développement du langage. Tout en observant leur cerveau par IRM fonctionnelle, nous avons fait écouter à tous les sujets des séquences de sons alternant voix humaine (parole mais aussi cris, rires, chants) et autres bruits (cloche, moteur, musique, cris d’animaux). Chez tous les sujets normaux, on note une activation dans l’aire de perception de la voix quand il s’agit de sons vocaux alors qu’on n’en note aucune chez les autistes. Tous, sauf un, ont réagi de la même façon à la voix qu’aux autres sons. À la fin du test, nous leur avons demandé ce qu’ils avaient entendu. Les sujets sains ont noté des voix et des sons non vocaux tandis que le seul autiste qui se souvenait avoir entendu de temps en temps une voix était celui qui avait activé l’aire de la voix durant l’examen. Que peut-on en déduire ? La voix est porteuse d’informations sur ce que pense l’autre, notamment au travers de ses intonations. On sait qu’à la base de l’interaction sociale, il y a la perception de l’autre personne. »
Monica Zilbovicius, La voix humaine ne parle pas aux autistes. La Recherche, 2004, n° 379.
Le cerveau des autistes ne réagit pas non plus comme celui des sujets normaux aux expressions du visage. Le sujet sain saisit de nombreuses informations à travers l’émotion d’un visage – colère, rire, tristesse, etc. À l’IRM, cela se traduit par une activité d’une zone du cortex appelée « aire fusiforme des visages ». Chez l’autiste, on n’observe pas d’activation de cette aire. Ainsi, bien qu’il ne soit ni aveugle ni sourd, l’autiste ne décode pas les expressions du visage, ni celles de la voix. Ces deux types de stimuli sont étroitement liés aux interactions sociales.
Selon les chercheurs de l’INSERM-CEA, l’IRM est considéré comme « un outil pertinent pour le bilan clinique de l’autisme » et « une nouvelle piste de recherche à approfondir pour étudier les bases neurologiques » de la maladie.5
Ces résultats montrent l’importance de faire avancer la recherche dans le domaine des neurosciences, et plus particulièrement de l’imagerie cérébrale. Notons bien que les chercheurs ne présentent pas les résultats de leurs travaux comme des conclusions, mais seulement comme des indications encourageantes : « Ces données, provenant de l’analyse d’images cérébrales par résonance magnétique (IRM), pourraient contribuer à distinguer des sous-groupes dans l’autisme et, de ce fait, à faire avancer la recherche des causes de la maladie »,concluent les auteurs dans la revue PLoS ONE. Il semble bien y avoir des facteurs génétiques de l’autisme. C’est ce que dit Michel Lemay, spécialiste de l’autisme6 : « Quand les parents nous demandent quelles sont les causes de l’autisme, nous n’en savons rien. Nous pouvons dire que cela se joue dans le cerveau, donc que ça n’est pas d’ordre relationnel, c’est important.
Nous savons aussi qu’il y a des facteurs génétiques. C’est une certitude, car quand il y a deux jumeaux vrais, le deuxième jumeau, dans une proportion extrêmement significative, est atteint d’autisme comme le premier ; mais pas tous les jumeaux vrais. Donc ça montre bien que le facteur génétique pèse lourd, mais n’est pas la seule explication. Tout ceci quand on l’additionne ne constitue pas une explication spécifique, et il est probable que ce que l’on met actuellement sous les termes d’autisme et de troubles envahissants du développement, c’est un dysfonctionnement cérébral créé par des causes multiples, où finalement les différentes zones cérébrales n’arrivent pas à entrer fonctionnellement en relation harmonieuse les unes par rapport aux autres et, à partir de cela, déclenchent les perturbations neuro-perceptuelles dont je viens de parler. »
Robert Plomin, spécialiste de génétique comportementale7, précise qu’en ce qui concerne les jumeaux identiques, si l’un est autiste, l’autre a 65 % de probabilités de l’être, et les faux jumeaux beaucoup moins. Pour eux, la probabilité est autour de 15 %. Il ajoute : « Trois autres études ont obtenu les mêmes résultats. Elles ont changé la recherche sur l’autisme : il est depuis considéré comme l’un des troubles les plus génétiques. Aujourd’hui, une douzaine d’études internationales essaient de déterminer les gênes de l’autisme. Et de nombreux aspects du comportement montrent une influence génétique. »
Il apparaît donc que, pour progresser dans la connaissance des causes de l’autisme, il faille continuer d’approfondir les recherches, autant dans le domaine des neurosciences que dans celui de la génétique.
1 Violaine Guéritault, Les mères forcément coupables, Le Livre Noir de la Psychanalyse, Paris, Les arènes, 2005, p. 523. Ed. 10/18, 2007, p. 653.
2 http://www.plosone.org/article/info….
3 La substance grise surtout constituée des noyaux des cellules nerveuses (neurones) se trouve à la surface du cerveau. Cette partie du tissu nerveux constitue le cœur du traitement de l’information nerveuse. La substance blanche, que l’on trouve plus au centre du cerveau, est constituée des fibres nerveuses assurant la transmission des messages nerveux entre les neurones.
4 Pascal Belin, ancien élève de l’Ecole Polytechnique, Docteur en Sciences Cognitives. Il a travaillé au Département de Psychologie à l’Université McGill (Montréal) et à l’Université de Glasgow. Pour rechercher le rôle du traitement temporal dans le langage, il a mesuré l’asymétrie de l’activation cérébrale en utilisant un tomographe à émission de positron (PET).
5 http://www.inserm.fr/fr/presse/comm….
6 Michel Lemay, pédopsychiatre à l’hôpital Sainte-Justine, à Montréal, où il dirige depuis 25 ans la clinique de l’autisme et des troubles envahissants du développement. Il est aussi professeur à la Faculté de médecine de l’Université de Montréal. Il a suivi et soigné près de 600 enfants autistes. Il s’exprimait dans le cadre d’un entretien à propos de son livre, L’autisme aujourd’hui, paru en 2004 aux éd. Odile Jacob.
7 Robert Plomin, professeur de génétique comportementale à l’Institut de Psychiatrie du King’s College (Londres), interviewé par Cédric Routier (Les Nouveaux Psys, Paris, Les arènes, 2008, p. 75). Plomin a créé en 1994 le Centre de recherche en psychiatrie développementale, génétique et sociale (Londres), qu’il dirige encore aujourd’hui. En mars 2007, une brève en ligne sur le site de l’AFIS annonçait : « Un vaste projet international, nommé « Autisme Genome Project », a été lancé en 2002. Plus de 120 chercheurs, représentant 9 pays et plus de 50 institutions, ont décidé de travailler ensemble, afin de faciliter l’identification des gènes en cause dans l’autisme et les troubles associés ».